000 Jacques MignauxDans le cadre des réflexions en cours sur le droit d'association des militaires, les Amis de la Gendarmerie ont souhaité donner la parole au général d’armée (2s) Jacques MIGNAUX, ancien directeur général de la gendarmerie nationale et Conseiller d’État honoraire. Il nous livre son sentiment lors d'un entretien qui paraitra dans la prochaine revue trimestrielle de notre association.

Mon général, suite aux deux arrêts de la CEDH, pensez vous qu'il serait souhaitable d'autoriser les militaires français, et parmi eux les gendarmes, à adhérer à des syndicats professionnels ?

Jacques MIGNAUX : Non et il faut veiller d'ailleurs à ce que toute évolution qui pourrait intervenir en la matière, et sur laquelle on ne pourrait d'ailleurs en pratique revenir, ne soit pas préjudiciable aux intérêts supérieurs de la Nation. Le Métier des Armes, à l'évidence, n'est pas un métier comme les autres et cette évidence ne doit jamais être perdue de vue. Face aux menaces de toutes natures, nos Forces armées doivent pouvoir tout mettre en œuvre pour remplir, au mieux, en toutes circonstances et en tous lieux, sur le territoire de la République ou à l'extérieur des frontières, les missions que lui assigne le Gouvernement.

Or chacun sait que le succès des armes ne repose pas uniquement sur la supériorité technologique. L'Homme, en l'occurrence le Combattant, reste l'artisan majeur de la victoire. Une troupe sera d'autant plus forte et robuste qu'elle sera préparée, équipée, disciplinée, "la discipline est la force principale des armées", qu'elle sera solidaire et capable d'une grande cohésion face à l'adversité. Pour ces raisons fondamentales et de bon sens, les règles d'organisation, de fonctionnement et de dialogue interne à nos Forces armées ne peuvent pas être une simple transposition de ce qui se fait dans le monde civil.

 Mais alors, tout en respectant cette spécificité militaire, est il possible d'améliorer les règles du dialogue interne au sein des Armées et en particulier de la gendarmerie ?

Jacques MIGNAUX : Notre dialogue interne est de mon point de vue vivace et constructif. Il a notamment permis de continuer à avancer et à moderniser notre institution et ce en prenant en considération à la fois les évolutions majeures survenues, je pense notamment à notre rattachement au ministère de l'intérieur et aux sévères contraintes qui pèsent sur le budget de l'État. N'est ce pas là pas le signe tangible du bon fonctionnement de notre dialogue interne ? Et je tiens à saluer tous les acteurs de notre chaîne de concertation. Sans leur investissement, rien n'aurait été et rien ne serait possible.

Mais on peut sans doute aller encore plus loin. J'imagine que la direction générale fera le moment venu des propositions en ce sens. Personnellement je pense à deux pistes non exhaustives. La première consisterait, pour mieux asseoir la légitimité des membres du CFMG, à ce qu’ils soient élus parmi les présidents du personnel militaire et non plus tirés au sort au sein d'une population de volontaires. En contrepartie, pour éviter tout risque de "professionnalisation", chaque membre exercerait un mandat unique de 4 ans. La seconde piste consisterait à hisser le CFMG au même niveau que les CTP du ministère de l'intérieur et en particulier du CTP police chaque fois qu'un avis est requis sur les règles de fonctionnement, d'organisation, de création, de suppression d'un service regroupant des policiers et des gendarmes. Aujourd'hui l'avis du CTP est une "formalité substantielle" alors que le CFMG élabore, dans le meilleur des cas, s'il est décidé de le consulter, un avis préparatoire qui sera ensuite examiné par le CSFM. Vous voyez les pistes concrètes existent...

S'agissant des ANPM, les propositions contenues dans le rapport Pêcheur dont je viens de prendre connaissance  me semblent à la fois empreintes de réalisme et d'une grande sagesse. La voie qui est proposée, avec les limites qui sont clairement posées, devraient, si elles sont " validées" par le Législateur, permettre  de renforcer encore le dialogue interne à nos forces armées, qui est essentiel, sans porter atteinte en quoi que ce soit à l'esprit de discipline et aux prérogatives du Chef militaire.